1er tour en Loire-atlantique : l'apparition de la vague frontiste.

     Par simple curiosité et par intérêt de la politique, j'avais envie de cartographier les résultats du premier tour de l'élection présidentielle française du 22 avril 2012. Mais partout dans la presse, on pouvait trouver les gagnants par commune. Je voulais essayer d'approfondir.

     Dans un premier temps, j'ai cartographié les scores communaux des candidats F. Bayrou (Modem), E. Joly (EELV), P. Poutou (MPA), mais le résultat n'était guère surprenant quand on connaît un temps soit peu l'histoire politique du département. Les communes avec une tradition ouvrière forte ont voté un petit plus en faveur du MPA que les communes traditionnellement ancrées à droite. Donc rien de nouveau, bien que les scores des partis dits d’extrême gauche (MPA...) aient été "rognés" par le parti frontiste (FN), ce qui sera mon point explicatif final. 

     Dans un second temps, j'ai tenté les cumuls des valeurs relatives (pourcentages des candidats par rapport au nombre de votants) des deux grandes tendances françaises, à savoir les partis dits de droite et les partis dits de gauche. Mais restait à savoir par exemple où placer les résultats obtenus par le MoDem ? Traditionnellement et dans la majorité des scrutins de la République actuelle, le centre et un mouvement qui oscille vers la droite. Le résultat final des deux cartes se percevait mieux pour les voix de droite ci-dessous :


     Depuis la naissance de la République française, il faut savoir que les habitants du département ont une tradition d'un vote "à droite", comme expression d'un "conservatisme à la bretonne". Cette expression utilisée par certains politologues, traduit un vote centriste, et/ou de droite gaulliste, catholique, européenne et traditionnellement totalement étrangère au vote en faveur du Front National (la Bretagne reste la région où le FN enregistre ses plus faibles scores). Il est donc très logique de la retrouver bien présente dans les communes de Loire-Atlantique. Malgré tout, la prédominance de cette droite a quelque peu été mise à mal au cours de ces dernières années. Ainsi le département à "basculé" pour la première fois de son histoire en faveur du parti socialiste lors du dernier scrutin (tout comme le changement récent de la majorité de la région Bretagne d'ailleurs, ce qui est singulier comme similitude. La Loire Atlantique suivrai-elle la même tendance que la Bretagne ? Quelle révélation !). Aparté mis à part, le littoral a également la caractéristique de voter majoritairement à droite depuis une dizaine d'année. Je citerai le cas emblématique de la commune de La Baule-Escoublac qui s'exprime à 48,9 % pour N. Sarkozy au premier tour de dimanche 22 avril (F. Hollande ne fait que 19,56 %, le FN troisième : 10,7). Même des communes qui ont longtemps voté pour les socialistes voir les courants communistes ont basculé (j'ai en tête notamment Saint-Brévins en face des chantiers navals). Et là encore, tout le littoral breton est concerné par cette vague bleue sur ses côtes !

     Et finalement, j'ai souhaité connaitre le troisième homme et s'il existait une logique. Dans chaque commune, qui est arrivé au pied du second tour ? Quel aurait été les deux candidats qualifiés pour la finale ? Et la carte m'a, je dois le reconnaitre, surprise.


Qu'est ce qui saute aux yeux aussitôt ?

1. Évidemment la forte percée du front national dans le département. Marine Le Pen est très majoritairement le troisième candidat. En comparaison avec la carte des élections présidentielles de 2007, la quasi-totalité était précédemment orange, c'est à dire que les électeurs avais portés F. Bayrou au pied du podium. C'est le constat, que je trouve pour ma part triste : la Loire-Atlantique là encore comme la Bretagne commencent à voter en faveur d'un parti ayant tenu ou tenant des propos racistes, xénophobes, liberticides, populistes, nationalistes et jacobins. Lien vers un article du Télégramme

2. Les communes rurales ont voté davantage pour Madame Marine Le Pen. On perçoit bien la différence avec les zones urbaines que sont la métropole nantaise, les agglomérations nazairiennes.... L'exception étant la sous-préfecture septentrionale de Châteaubriant qui "réagit" selon une autre logique (voir ci-dessous).

3. Un "effet frontières" ou "effet de marge", les communes excentrées par rapport au pôle nantais détiennent les records départementaux du vote pour le Front National. Ces communes sont généralement des communes à dominance rurale en difficulté c'est à dire que leurs statistiques traduisent entre autre un relatif déclin démographique, un retrait du service public au non de la rentabilité.... Pour le formuler sèchement, les crédits départements ne s'acheminent pas volontairement vers ces espaces. Cet effet de frontière (rupture administrative) se retrouve dans nombre de départements français : c'est loin du pôle d'attraction départemental, donc peu intéressant (c'est un résumé grossier mais clair). Donc à trop "maltraiter ces pays et ces populations", il ne faut pas s'étonner après qu'elles décident de miser sur "un autre cheval plus radical". Le long de la frontière départementale la candidate FN s'est placée soit troisième, soit seconde ! Aux grands maux, les grands remèdes.

4. Le monde urbain donne aux candidats des deux grands partis des scores dans la moyenne nationale. Le Fn n'a recueilli que de faibles scores (souvent sous la barre des 10 % et 7% pour Nantes) par rapport à la moyenne nationale. Nantes et son agglomération, Saint-Nazaire, Ancenis, Clissonsont dans ce cas. Par contre Châteaubriant à l'image de son pays à ériger Madame Le Pen après les deux candidats "traditionnels".

5. Dans 3 cas particuliers, l'alternative du troisième candidat est une formidable leçon d'histoire régionale bretonne ! 
          Cas a : la Brière. Le petit monde du marais de Brière a souvent eu son comportement électoral, les élections présidentielles ne font pas exception. Il existe plusieurs explications liées à l'histoire multiséculaire d'un espace resté longtemps assez replié sur lui-même. La sociologie des populations de Brière reste encore aujourd'hui particulière. Pour donner un petite idée d'un fait sociologique difficilement perceptible, on peut le comparer aux Malouins par rapport à l'Îlle et Vilaine. Et c'est très intéressant qu'en calquant le Marais à la demi-douzaine des votes de ces communes, les contours correspondent exactement. Le Marais de Brière a voté pour F. Hollande, puis pour J-L. Mélenchon, pour M. Le Pen et réserve la quatrième place au président sortant (avec seulement environ 14 %). Le vote du marais de Brière diffère généralement du reste du département depuis presque la Révolution française...

          Cas b : le vignoble nantais. Là encore, on ne peut oublier ou nier l'histoire électorale du vignoble nantais : le pays vote traditionnellement en direction d'une alternative centriste. La vague orange et les limites du vignoble sont presque similaires. Quoi, les pays bretons auraient une légitimité et une cohérence !!!! Personne ne le savait ! (voir la carte finale ci-dessous) Une petite nuance est cependant à signaler : l'effet frontière fonctionne aussi dans le Vignoble nantais.

          Cas c : les communes industrialo-portuaires et donc sociologiquement plutôt ouvrières du département ont eu un vote clairement en défaveur du président sortant et ont au contraire plébiscité le candidat socialiste. Je citerai ici le cas de la commune d'Indre (15,45 contre 41,34 %).



Enfin, la Loire-Atlantique (comme la Bretagne) s'est exprimée largement avec un taux de participation de 84,24 %. Pour faire aussi bien, bon vote à tous !

E.M

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