Le vieillard avait gagné le coin de la rue avant de se remettre de
l’émotion que lui avaient causée les nouvelles apportées par Tobie
Crackit. Non seulement il n’avait pas ralenti son allure ordinaire, mais
il hâtait le pas encore plus que d’habitude, de l’air d’un homme effaré
et en proie à une violente agitation ; une voiture lancée au galop
faillit le renverser, et les cris des passants, à la vue du danger qu’il
courait, lui firent gagner le trottoir. Après avoir évité autant que
possible les grandes rues, et cheminé par des ruelles ou des passages
obscurs, il atteignit enfin Snow-Hill. Là il se mit à marcher encore
plus vite qu’auparavant, et ne ralentit sa course qu’après s’être engagé
dans une cour, où, comme s’il se trouvait enfin dans son élément, il
reprit son pas ordinaire et parut respirer plus à l’aise.
Au point de jonction entre Snow-Hill et Holborn-Hill, à main droite
en sortant de la Cité, se trouve un passage étroit et sale qui mène à
Saffron-Hill.
[...]
C’était dans ce passage qu'il venait d’entrer ; il était bien
connu des sales habitants du lieu, car tous ceux qui étaient en vedette
sur le pas de la porte, vendeurs ou acheteurs, le saluaient
familièrement d’un signe de tête quand il passait. Il répondit de la
même manière à leur salut, mais ne s’arrêta qu’au bout du passage, pour
adresser la parole à un brocanteur de petite stature, assis, autant du
moins qu’il pouvait y entrer, dans un fauteuil d’enfant, et fumant sa
pipe devant sa boutique.
... Oliver Twist, chapitre 26, pp 179-191, version de 1893.
E.M
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