Les forts contrastes démographiques en Bretagne.

     5 fortes disparités démographiques se sont installées, perdurent et s'accentuent en Bretagne. Par disparités, comprenons ici grandes variations dans la répartition du peuplement de la région. Où sont-elles localisées ?


Armor / Argoat : une opposition entre le "pays de la mer" et le "pays des bois"

     Depuis environ le Vème siècle, le littoral a toujours été davantage peuplé que l'intérieur. Le climat y est plus doux et paradoxalement l'installation humaine plus protégée que dans les terres. L'armor est la "ceinture dorée" bretonne.

     De plus, vers le milieu du XIXème siècle, la perception du littoral connait une évolution, la mer n'est plus autant synonyme de danger pour devenir une mode, un lieu de villégiature pour les classes sociales les plus aisés. Petite nuance relative concernant les habitants ancestraux des littoraux bretons, les marins et leur famille etc... . Posséder une résidence sur le front de mer devient un signe de richesse économique. Bourgeois parisiens et Anglais aisés affluent dans la région. Le changement de perception des littoraux s'explique également avec le triomphe de la philosophie saint-simonienne et l'apologie de la civilisation de la circulation. Enfin, la naissance d'un courant de pensée médicale (les hygiénistes) vantent les bienfaits du plein air et de l'air marin.

Quelques villas de Dinard.
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     L'effet d'entrainement est immédiat pour l'économie locale (emploi d'un personnel domestique important...) et l'essor du littoral est flagrant. On assiste d'ailleurs à un dédoublement du bourg originel à l'image de Carnac et de Carnac-plage par exemple. Depuis 1945, il est encore de "bon ton" de posséder un bien sur le front de mer breton. En plus, il est certain que l'activité économique se concentre davantage sur les côtes que dans les terres, où la mono-activité agricole prédomine. Ainsi l'Argoat, l'intérieur de la Bretagne, dépourvue ou presque d'industrie dépérit ou stagne numériquement en terme de population.


Une opposition entre le nord / sud de la Bretagne

     Il faut distinguer 2 phases temporelles. Historiquement, le nord de la région est plus peuplé que le sud et ce jusqu'au milieu du XIXème siècle. Pourtant les côtes méridionales sont bien plus faciles à aménager et le relief y est moins marqué ! Ainsi, jusqu'en 1830, le département breton le plus peuplé est les Côtes du Nord (ancien nom des actuels Côtes d'Armor). Aujourd'hui, c'est le moins peuplé !

     De nos jours, le nord présente des croissances ponctuelles et urbaines : Brest, Lannion... . Mais la tendance générale est à une perte de population. Alors qu'une croissance continue sous la ligne Ancenis-Crozon (ligne violette ci-dessous) renforce la différence avec le nord.

Carte annotée de l'évolution de la population bretonne sur 150 ans (1851-1999), 2006.
Les causes du dépeuplement du nord sont :
  • des terres méridionales plus fertiles et plus facilement exploitables,
  • les communes du nord sont très petites ce qui tend à un atomisme, à une paralysie décisionnelle,
  • le sud concentre 2/3 de la pèche bretonne et 50 % de la pèche française et ce malgré de grandes difficultés de ce secteur,
  • l'industrie bretonne se localise principalement dans le sud. Illustration : en 1795, N. Appert met au point la conservation des aliments dans une boîte, l'invention est reprise et améliorée par le nantais P.J. Collin qui invente les "boîtes à sardines" et les boîtes à "fer-blanc". Les capitaux nantais affluent massivement dans les conserveries du pays bigouden (voir la période des "penn-sardin"). La plus ancienne conserverie du monde est à Douarnenez ! D'où encore aujourd'hui, la puissance de l'industrie agroalimentaire de la conserve bretonne (Hénaff à Pouldreuzic etc...).
  • l'essor (timide) du commerce international est aussi majoritairement localisé dans le sud (ex : chantiers navals...).
  • le sud c'est 1 °C en moyenne de plus qu'au nord.

Une opposition entre la Haute et la Basse Bretagne

     (cf. ligne verte sur la carte ci-dessus) En 1851, la Haute Bretagne c'est 450 000 habitants de moins qu'en Basse Bretagne. En 1999, la Basse Bretagne accuse une différence négative de 1 450 000 habitants ! Et au cours de la dernière décennie, le contraste ne fait que se renforcer y compris au niveau des populations urbaines.

     Quand la Bretagne tourne le dos à la mer au profit du reste du territoire français, les moyens mis en œuvre par l’exécutif jacobin et parisien consistent à relier la région avec le chemin de fer, l'autoroute... . Mais plus la distance s'accroit avec Paris et moins les infrastructures routières, autoroutières, et ferroviaires sont adaptées et pléthoriques.


Une opposition carrefours / confins

     Les carrefours en Bretagne se situent au niveau de l'estuaire de la Loire avec l'axe Saint-Nazaire-Nantes, les axes routiers (on devine facilement sur la carte l'axe oriental Rennes-Vitré), et les carrefours urbains intermédiaires. Il s'agit des villes moyennes situées entre des villes plus importantes, ce schéma d'organisation territoriale est quasiment systématique en Bretagne. Exemple : Redon entre Nantes et Rennes, Châteaulin entre Brest et Quimper etc...

     A l'inverse, les confins bretons sont d'une part les limites départementales et régionales qui constituent peu d'intérêt pour les "grands" élus. Et d'autre part, les anciennes marches historiques, qui ont toujours été des zones tampons, des zones moins développées et moins peuplées. D'ailleurs même la toponymie de ces communes traduit cet état de fait : Louvigné du désert, La Bazouge du désert...


Une opposition zones de plaine / zones de relief

     Le relief est peu élevé en Bretagne, cependant le climat en altitude y est sensiblement plus dur. Les tempêtes y sont plus violentes, les jours de gel plus fréquents, les températures plus froides. Pour des questions de logique, l'aménagement de ces espaces est également rendu plus délicat (aménagé des plaines est jugé moins compliqué et surtout moins coûteux). Et enfin, les Monts d'Arrée, les Montagnes noires et la Méné, sont situés en Argoat, soit dans les terres !




     En conclusion, la dualité reste très sensible entre les espaces dynamiques et en croissance démographique et ceux qui dépérissent et perdent de la population. Cependant, comme souvent, les exceptions infirment les tendances ci-dessus. Il s'agit en premier lieu des îles, qui connaissent toutes un dépeuplement majeur, qu'elles soient au nord, au sud, en Haute Bretagne... . En second lieu, des communes où tous les éléments semblent défavorables s'en sortent malgré tout grâce à la volonté d'acteurs locaux très attachés à leur territoire. Exemples : Yves Rocher implanté à La Gacilly, Bridel à Rétiers près de Chateaubriand, Le Hénaff à Pouldreuzic, la cité du livre à Bécherel... .


Remerciements : Jean Ollivro, géographe à l'université de Rennes II Haute Bretagne.

Précédemment :
Les 20 communes les plus peuplées de Bretagne.

E.M

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