Chapitre 4 : L'âge du Bronze en Bretagne (-2 000 - 800 av notre ère).


Hache de Kersouflet au Faouët (56).
     

     Les premiers métaux apparaissent à la toute fin du Néolithique (vers - 2 200 av) puisque or et cuivre sont amenés en Bretagne par des nomades ibériques. Ils utilisent notamment le cuivre pour la fabrication de poignards et l'or pour des bijoux. Ainsi, les haches en pierre polie bretonnes sont remplacées peu à peu par des haches en cuivre et le manche lui-même peut-être métallique. Mais les fondements du Néolithique n'en sont pas bouleversé pour autant. Il faut attendre l'invention du bronze. En effet, cet alliage à base d'étain est à l'origine de la naissance d'une nouvelle civilisation dite "des tumulus armoricains" en Bretagne.


LE BRONZE ANCIEN (vers - 2 000  ; vers - 1 000 av. notre ère)

     De nouvelles populations dotées d'une organisation humaine très hiérarchisée apparaissent en effet en Bretagne. L'inhumation diffère également de la période néolithique précédente car les chefs sont désormais enterrés dans des tumulus comprenant un unique caveau. L'innovation à l'intérieur des grands tumulus de la période du Bronze consiste en la présence de bois et non plus de dalle de granite. Des dizaines de tombes "princières" accompagnées de mobilier ont été retrouvé le long des côtes. Et l'étain se trouvant naturellement facilement en Bretagne, les éléments en bronze se sont multipliés dans les tumulus : poignards, haches, des parures avec des épingles en bronze... . Le bronze n'est pas le seul métal utilisé, l'argent (venant de la péninsule ibérique) était utilisé pour la production de vases et de gobelets, l'or servait pour la fabrication d'anneaux et de grands poignards.  Comme au Néolithique, des liens commerciaux et culturels étaient entretenus avec différents espaces européens, la région étant particulièrement intégrée à la "communauté atlantique". A côté des tombes richement meublé, les tombes plus modestes présentes elles davantage de poteries. Ce sont de petits vases à anse ou des poteries parfois décorées. Il existe enfin des "cimetières collectifs" à l'image de celui  Roc'h Croum à Santec, où un petit groupe de pécheurs sont enterrés.



      Le type d'habitat est davantage connu qu'aux périodes précédentes. L'armature circulaire ou rectangulaire est essentiellement en bois de chêne ou de bouleau et le toit était constitué de chaume ou de fougères. L'analyse des habitats et des pollens révèlent d'ailleurs qu'une accélération démographie s'amorce.

Vase à quatre anses.
      Vers la fin du Bronze ancien, les tombes deviennent plus modestes, moins meublées et surtout plus individuelles. Ces caveaux simplement creusés dans le sol renferment pourtant une spécificité typiquement armoricaine: les "vases à quatre anses". Ils représentaient "un symbole de perfection et de symétrie dont on retrouve longtemps la tradition dans la littérature celtique. Il y a ainsi, au Pays de Galles, mention de chaudrons symboliques à 4 anses ou dans la littérature des "quatre guerriers parfaits.". Seconde nuance au caractéristiques du Bronze dans la région : en Haute-Bretagne, les monuments mégalithiques du Néolithique ont souvent été "recyclés" en de nouveaux tombeaux. Autour, des fossés circulaires remplis des poteries sont mis à jour. Il est d'ailleurs intéressant de constater que ses légères différences ont une limite géographique qui constituera plus tard la limite entre les peuples osismes et vénètes et encore plus tard la division fondamentale entre Basse et Haute-Bretagne !


     Si les constructions se font moins gigantesques, la production d'objet en bronze s'effectue par contre presque "en série" et haches,  poignards, et outils sont retrouvés en très grande quantité. Les armes évoluent les premières petites épées aux lames et manches décorés vont succéder aux poignards. Cette production est rapidement réputée et elle s'exporte qu'à l'Allemagne orientale. A destination des îles britanniques, les exportations d'armements armoricains sont illustrés par les cargaisons des épaves de bateaux armoricains découvertes à Portsmouth, à Douvres et dans la Tamise à hauteur de Lambeth. Paradoxalement cette production massive d'armes s'est sans doute accompagnée d'une période de paix car presque aucun camp fortifié datant du Bronze ancien et moyen n'ont été retrouvé.

Détail d'une épée du Bronze moyen retrouvé à Plourivo (22). Epée de type "saint Brandan".

LE BRONZE RÉCENT OU FINAL (vers - 1 000, - 700 av. notre ère)

     L'Europe se transforme. Des populations venant de l'Est apportent en effet de nouvelles techniques et mœurs. D'abord, elles s'installent non pas sur les côtes mais dans les zones de l'intérieur réputées inhospitalières. Les vastes forêts sont progressivement grignotées et blé et l'orge sont désormais cultivés. Ensuite, ces populations brûlent leurs défunts et leurs cimetières regroupent en réalité des urnes. Les différents groupes bretons résistent un temps mais peu à peu adaptent "à leur sauce" ces nouveautés. Par exemple, il a été prouvé que dans certains groupes, les hommes se rasaient désormais la barbe. Enfin, les productions "industrielles" évoluent. A côté de Saint-Brieuc de nouvelles épées sont déterrées ainsi que les premiers fragments de casques en bronze, des ceintures en bronze et même des harnachements pour les chevaux. D'ailleurs, les épées retrouvées sont très nombreuses, ce qui indique là-encore que la production s'effectuait en masse sur un modèle presque standardisé. 

     La région nantaise devient un des grands lieux d'échanges entre le "monde atlantique" et le "continent". La Loire jouant naturellement un rôle central, des sortes d'entrepôts sont régulièrement approvisionnés en haches, et déjà en sel ... (entrepôts situés sur l'emplacement de l'actuel Jardin des plantes, à la Prairie de Mauves etc...). A partir d'environ - 800, les "haches à douille armoricaines" fabriquées en masse vont devenir progressivement la monnaie d'échange de la région. Et comme pour les monnaies, elles sont d'une part stockées en grande quantité et d'autre part assez diversifiées selon les lieux de fabrication dans la région.

Lunule en or de Kervoa (22).


     Les tombes sont assez modestes, les restes incinérés dans des coffres sont parfois accompagnés de poteries. Les décoration des bronze laisse entrevoir l'existence de différents cultes à l'image des roues et des soleils symbolisant le culte du feu. Mais l'art du Bronze le plus remarquable est celui des bijoux. L'influence irlandaise se lit dans les lunules, ces bijoux dorés en forme de croissant. Au XIXème siècle, des colliers décorés (ou "torques") en or, des colliers torsadés en or considérés comme de l'art "barbare" sont fondus sans provoquer aucune réaction des lettrés de la bonne société parisienne. Découverte peu surprenante, des perles de faïence provenant d’Égypte ont été colporté jusque dans la région si l'on en croit les nombreux exemplaires retrouvés. Or très rapidement, il semble qu'elles furent imitées et adaptées avec les critères esthétiques bretons (plus annelée par exemple). Si bien que dans une tombe sur l'Île de Groix, le squelette d'une jeune fille était accompagné d'une perle biconique toute en pâte de verre. Au Bronze récent, il est donc indéniable que des progrès en fonderie ont été réalisé en Bretagne et permettent de réaliser "massivement" des colliers, des pendentifs, des parures, des ceintures ... .




     Cette période du Bronze a été celle de la grande ouverture sur le monde extérieur notamment atlantique, la Bretagne est "la porte de l'Europe" entre Irlande et péninsule ibérique. Et des populations nordiques et "allemandes" s'installent sans doute dans le nord de la péninsule armoricaine. De plus, l'époque des tumulus est révolue et elle laisse la place aux tombes individuelles meublées. L'art s'affine et produit des objets "non-productifs" marquant la "hiérarchie sociale" de leurs propriétaires.
     Mais à partir de - 800 environ, une certaine crise économique s'installe en Armorique. En effet, la richesse de la région basée sur l'exploitation du plomb et de l'étain notamment, sur les liens commerciaux était peu à peu dépassée par l'avènement d'un nouveau métal : le fer. Le fer ruine l'industrie local qui n'a plus de débouché commercial. L'Armorique mettra un certain temps pour surmonter cette crise, le renouveau étant amorcé par une nouvelle civilisation : la civilisation celtique.

A suivre :
ici Chapitre 5 : l'âge du fer ancien en Bretagne.

Précédemment :
ici Chapitre 1 : le Paléolithique en Bretagne.
ici Chapitre 2 : Le Mésolithique en Bretagne.
ici Chapitre 3 : Le Néolithique en Bretagne.


Pour aller plus loin :
BRIARD (J.), La Protohistoire en Bretagne, Saint-Brieuc, 1991.
CAROZZA (L.), L'âge du Bronze en France, Paris, 155 pp, 2007.
MOHEN (J.P.), (dir.), L'Europe à l'âge de Bronze, le temps des héros, Paris, 1999.

H.M

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