Plérin (22) : la gardienne du Gouët. (1/3)




     Place stratégique idéalement située pour contrôler la vallée creusée par le Gouët, Plérin-sur-Mer ouvre le chemin vers Saint-Brieuc. Et dès le seizième siècle, s'implante d'ailleurs à la pointe du Roselier un corps de garde et un four à boulets. Sur les panneaux destinés aux promeneurs, il est noté que les ruines de ces ouvrages sont toujours visibles aujourd'hui près de l'ancien sentier des douaniers. Mais bien avant l'époque moderne, les tribus gauloises locales tiraient déjà partis de l'avantage du site pour résister à l'invasion romaine en se retranchant sur cet éperon rocheux. Et puis, à l'époque médiévale, des tours de garde et un château veilleront sur les lieux, car Plérin demeure aux fils des siècles la gardienne de l'estuaire.


    
     Et puis, en 1254, Plérin devient une paroisse, comme l'indique le nom de la commune ; en effet ple provient du vieux breton plou ou pleu qui signifie paroisse, d'où la récurrence des préfixes pleu et plou dans la toponymie bretonne. Il existe également un Plourin dans le nord-Finistère.

 
     De 1588 à 1598, les guerres de la Ligue, guerre civile bretonne principalement urbaine et nobiliaire, laissent exsangue la région, puisque à chaque passage des troupes de l'ambitieux duc de Mercoeur ou de celles du roi, les populations sont rançonnées, brutalisées, les maisons brûlées et les récoltes piétinées. Les troupes royales du roi Henri IV finiront même par scinder en deux la tour de Cesson (voir la première photographie). Jadis, ces lieux avait déjà été témoin de scènes de violences puisque selon la légende populaire locale, l'origine du Gouët viendrait du vieux breton ar gwed (gwad aujourd'hui), le sang. En effet, quand les moines ont dû nommer la rivière côtière, les plus anciens d'entre eux, se sont souvenus du massacre des Normands (Vikings) de Saint-Brieuc par les Bretons. La rivière se serait alors transformée en flots de sang.




     Le port du Légué quant à lui prend son essor au début du quinzième siècle et la pèche fera un temps la fortune de Plérin comme en témoigne encore les maisons d'armateurs, édifiées, pour la plupart au dix-huitième siècle. C'est d'ailleurs en ce lieu que le 24 juin 1807, le préfet des Côtes du Nord écrit au maire de Plérin pour mettre fin une pratique particulière de la baignade car "Le port du Légué et ses hauteurs qui offrent des promenades des plus agréables ne peuvent être fréquentées dans cette saison à raison du spectacle que représentent à tous les yeux, les personnes qui se baignent en état de nudité depuis le pont du Gouët jusqu'à la pointe de Cesson". Et le préfet d'ajouter "[des] exemples de sévérité ne manqueront pas l'effet que l'on attend de ces ordres".


     À la fin du XIXème siècle, le port du Légué, abrite une importante flottille de pêche où l’on compte plusieurs lougres, bateaux à grand-voile au tiers surmontée d’un hunier. Armés par six hommes, ces voiliers solides, puissants et élégants, travaillent au chalut ou pratiquent la drague du sable servant à l’amendement des terres.


 





Ci-contre, un Lougre du Légué vers 1910. On distingue le petit tas de sable.
Source : Hoslin, Mémoire sur les gisements calcaires de la Basse Bretagne, in, Tome II Annales agronomiques, 1851. Le rapport de 45 pages est repris sur un site très intéressant retraçant l'histoire maritime en Bretagne nord. Dans un autre article, il explique également  l'exploitation des bancs de maërl en 1850 (à retrouver ici).


     A l'ouest, la Pointe du Roselier est un observatoire privilégié de la baie de Saint-Brieuc et de l'anse d'Yffiniac où s'engouffre profondément la Manche dans les terres.

    
Pour en savoir plus :
- sur l'hydrologie du bassin versant du Gouët, cliquez ici.
- sur l'histoire locale, ces 2 ouvrages de l'association Le Signet : Plérin sur Mer (2010) et La vallée du Gouët, le port du Légué (2012), Éditions Alan Sutton.

H.M

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