2. Le principe de l'écotaxe.

I]. Origines et objectifs de l'écotaxe.

      Selon la Commission européenne, l'écotaxe est " une taxe dont l'assiette est une unité physique de quelque chose qui a un impact négatif spécifique et avéré sur l'environnement ". Le Larousse définit plus précisément l'écotaxe comme " une taxe versée par les entreprises dont les activités industrielles sont polluantes et nuisent à l'environnement ". Nous retrouvons donc bien les notions de pollueur-payeur et de dommages environnementaux causés par des activités productives. Sur quels fondements de la pensée économique reposent les principes de l'écotaxe ? Il nous faudrait ici développer la pensée de l'économiste britannique Arthur C. Pigou, ce que je ne ferai pas. Pour résumer, il s'agit d'intégrer le coût des externalités négatives (dont les pollutions) au marché. Prenons un exemple : une entreprise pollue une nappe phréatique (P) en produisant une marchandise (M). Les taxes pigouviennes consistent alors à intégrer le coût  pour la société de P dans le prix final de M. Cette taxe payé par l'entreprise doit ensuite servir de revenus servant à la réparation de la pollution par la société. Dans un tout autre domaine, on pourrait évoquer les taxes sur le tabac permettant par la suite de financer les services hospitaliers réparant les dommages engendrés par cette drogue sur les individus.


      Les pays signataires du protocole de Kyoto se sont engagés à réduire leurs émissions de Co2 à partir de 2010. Ils ont donc développé différents outils (juridiques...) pour aller dans ce sens, dont des taxes. Celles-ci doivent inciter les acteurs économiques à réduire leurs émissions en pénalisant fiscalement ces dernières.

      Peut-on s'inspirer de l'expérience suédoise de l'écotaxe appliquée aux rejets de dioxyde de souffre ? En 1988, à cause de la pollution sulfureuse (responsable notamment des pluies acides), l’État décide de fortement taxer les industries responsables de cette pollution (4.500 € par tonne). L'effet espéré est atteint, la pollution régresse. Sauf que le modèle n'est pas transférable sur le Co2. D'un côté, les mesures pour lutter contre la pollution au dioxyde de souffre consistent en une modification des réactifs ou des procédés industriels utilisés de l'autre le Co2 est le résultat de toute combustion. Il est presque impossible de réduire la combustion, à part, produire une énergie renouvelable. 

      Il faudrait davantage convoqué l'exemple allemand. L'esprit de l'écotaxe se retrouve dans la taxe sur l'électricité introduite en 1999. D'une côté, elle doit inciter à une limitation des rejets de Co2 et de l'autre, les recettes perçues devront financer des politiques de développement des énergies renouvelables. Il y a donc bien taxation des pollueurs et volonté de réparation des pollutions. Depuis 1999, les taxes ayant largement augmentées (18 milliards d'€ en 2004 contre 4,5 milliards en 1999), les recettes ont été davantage réinvesties dans le paiement des retraites (liées au problème allemand de vieillissement de la population). Les émissions en C02 de l'Allemagne ont-elle pour autant diminué ? Oui légèrement mais en dessous des espérances les plus pessimistes.

II. L'écotaxe en France.

      La fiscalité écologique est très en retard en France (hormis en matière de politique de l'eau). Pour donner une idée de ce retard, en 2013, la France est classée (par Eurostat, la statistique européenne) en 21ème position dans la part de la fiscalité écologique dans le PIB national en Europe. Si vous comparez avec la taxe allemande sur l’électricité (Cf. ci-dessus), le système des bonus-malus appliqué aux véhicules n'a rapporté qu'1,1 milliard d'€ en 2011 ! Au total, en 2011, Eurostat considère que l’État français perçoit un peu moins de 40 milliards d'€ de "taxes écologiques", une goutte d'eau dans l'océan par rapport à certains de nos voisins européens.

1999 : le gouvernement Jospin essaye d'instaurer une écotaxe afin de financer le passage aux 35 h. Le projet est retoqué par le Conseil constitutionnel.
2007 : contexte du Grenelle de l'environnement, l'UFC que choisir propose une aquataxe. Une taxe sur les pesticides, financée par l'industrie des phytosanitaires, pourrait aider les agriculteurs à changer leur mode d'irrigation. Le projet n'est pas retenu.
2013 : le nouveau président de la République entend "changer les modes de prélèvement pour peser sur les choix, taxer moins le travail et plus sur les pollutions [...] " Le but avouer est d'entamer la transition énergétique.

III. Sauf que... la vague de contestation en Bretagne ne porte pas stricto sensu sur l'écotaxe !

      Les griefs exprimées par les différents comités, associations, partis politiques, syndicats d'agriculteurs, grande distribution, filière agro-alimentaire bretonne ne sont en effet pas dirigés directement contre l'écotaxe. En plus de l'expression d'un malaise social et d'une déprise économique, c'est la Taxe Poids lourds qui est remise en cause ! Les portiques sont liés à cette redevance kilométrique, pas à une autre. Autre erreur entretenue par certains médias, cette taxe n'est pas le fruit du gouvernement Ayrault, non, c'est un héritage de 2009 !


      Je ne rentrerai pas dans les détails techniques de prélèvement, d'autres le feront mieux que moi. Si vous voulez en savoir plus, je vous propose quelques sites :

1. ici, une vidéo sur l'application de la Taxe Poids lourds, attention cependant, elle est produite par une société bénéficiaire de cette taxe.
2. ici, les questions réponses du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Assez drôle le fait la pourtant officielle "taxe nationales sur les véhicules de transport de marchandise" devient l'écotaxe poids lourds, c'est à n'y plus rien comprendre...
3. ici, l'explication de la taxe Poids lourds sur Wikipédia. Divers points que je n'ai pas évoqué sont abordés, notamment celui des problèmes liés aux intermédiaires, entreprises chargées par l’État de collecter la redevance kilométrique.
4. ici, Écotaxe : un partenariat public-privé qui pose question, Le Monde, 30.10.2013.


ici, Épisode 1 : la genèse de l'écotaxe en Bretagne : le plan routier breton (1969-1994)
ici, Épisode 3 : la révolte des Bonnets rouges .

H.M

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