Chapitre 8 : Conquête romaine de l'Armorique.

La Gaule en - 60 av. et en 58-54 av. JC. (cliquez sur l'image pour l'agrandir).





      Fins commerçants et bons navigateurs (comme nous l'avons vu au Chapitre 7), les peuples armoricains sont pleinement conscients de la montée en puissance de la civilisation romaine. Les Romains interviennent pour la première fois en Gaule en - 154 afin de soutenir leur allié marseillais contre les Ligures. En - 120 : les armées romaines occupent définitivement la Narbonnaise au sud-est de la France actuelle (Cf. ci-contre). Mais ces évènements restent lointains...








      Tout change en - 58 av. notre ère lorsque le jeune Iulius Caesar entreprend la conquête de la Gaule dans le but d'accroitre son prestige personnel par rapport à ses adversaires politiques à Rome (Pompée...). Une conquête de la Gaule et de l'Armorique pourrait permettre ultérieurement une conquête de la Bretagne (Attention, aujourd'hui c'est l'Angleterre). En effet, les Armoricains commerçant avec la Bretagne, ils en ont une connaissance géographique, ainsi que des liens forts.


      En - 57, la VIIa légion traverse l'Armorique sans rencontrer la moindre résistance. Les peuples armoricains sont pris au dépourvus. Elle hiverne près d'Angers mais une disette locale l'oblige à envoyer des émissaires auprès des peuples armoricains. L'armée romaine exige la fourniture de grains. D'après J. César *, les émissaires sont retenus en otage chez les Vénètes. Ces derniers appellent d'ailleurs les peuples voisins à la révolte. Tous se soulèvent, y compris les peuples "normands" des Unelles..., mais sauf les Redones et vraisemblablement les Namnètes (dont nous ignorons la réaction). Les Vénètes sont le noyau de la révolte et disposent d'une puissante flotte, bien supérieure à la flotte romaine. En outre, des renforts militaires bretons (comprendre anglais) arrivent pour renforcer les troupes armoricaines.


* Rappel : la seule source dont nous disposons pour retracer la conquête de l'Armorique est romaine ! Il s'agit du livre III de la Guerre des Gaules de Caesar. Autre rappel du chapitre précédent, pour les Romains, l'Armorique ne constitue pas un ensemble différent des autres peuples de la Gaule.





       Les Armoricains disposent également d'atouts non négligeables pour affronter les Romains. Ils ont la maîtrise du terrain, ce qui revêt une grande importance pour ceux qui connaissent la géographie régionale. Ils contrôlent les ports, les rivières, leurs forteresses sont situées sur des points stratégiques (promontoires...). Les forteresses sont souvent inaccessibles par marée haute (soit toutes les 12 h !). A marée basse, les navires romains s'échouent et les troupes s'envasent. La géographie côtière était différente d'aujourd'hui (Cf. bibliographie finale). Et puis, les armées armoricaines disposent d'un ravitaillement suffisant, ce qui faisait largement défaut aux troupes romaines. Enfin, dernier atout, la flotte. Les navires romains ne font pas longtemps le poids, car ils se font éperonner facilement. C'est pourquoi, les premiers affrontements virent clairement à l'avantage des troupes autochtones. Cependant, à l'inverse de la flotte romaine manœuvrés avec des rames, la flotte armoricaine est totalement dépendante du vent. Les Romains vont donc mettre au point un outil tranchant au bout d'une perche pour couper les cordages des voiles et les condamner à l'immobilisme.





      Après leurs premières défaites, les Romains entreprennent la construction d'une flotte sur la Loire. Ils recrutent des marins sur place (donc probablement des Namnètes). Et puis, en - 56, J. César divise ses armées en 3. La première armée se dirige vers Avranches pour faire face aux Coriosolites et aux Unelles. Il prend la tête de la seconde et passe la Vilaine. La dernière, la flotte, commandée par Décimus Brutus, se place au niveau des côtes morbihannaises. 




      La bataille décisive a lieu dans la baie de Quiberon au printemps -56 av. notre ère. Au nord-est de la péninsule, l'armée romaine met en déroute les armées coriosolites et unelles à la bataille du camp Petit-Celland. Les survivants peupleront les îles Jersey et Guernesey. Dans le même temps, au sud, la puissante flotte vénète soit environ 220 vaisseaux est anéantie à cause de l'absence soudaine de vent (ici, en images, le lieu présumé d'où le proconsul romain aurait observé le déroulement de la bataille navale de - 56 av.). Selon les dires de César, tous les hommes vénètes sont massacrés, ce qui semble peu probable au regard du rôle des Vénètes dans les années à venir. Mais la punition romaine a surement été très dure puisqu'un mouvement de panique entraîne une vague massive d'enfouissement de trésors que l'on retrouve encore aujourd'hui.





      Les victoires romaines ne sont pas suivis d'une occupation militaire permanente ni d'une dévastation massive de la région. Certes, les élites vénètes sont décimées. Mais les légions sont déjà reparties en direction d'autres régions de la Gaule. Les Armoricains demeurent encore pour quelques années des peuples insoumis et disposant encore d'armées conséquentes. Pour preuve, en - 52 av., parmi les 250.000 hommes venus en renforts pour délivrer Vercingétorix d'Alésia, figurent de nombreux Osismes, Coriosolites et Redones. Le dernier soulèvement en Armorique date de - 51. Les Armoricains sont de nouveau défaits, cette fois près d'Angers. C'est la fin des espoirs d'autonomie vis à vis de l'empire romain... .





Prochainement :
ici, Chapitre 9 : L’Armorique romaine : repères chronologiques (-50 à IVème siècle ap. notre ère).


Précédemment :

ici Chapitre 1 : Le Paléolithique en Bretagne (- 7 000 000, - 10 000 av. notre ère).
ici Chapitre 2 : Le Mésolithique en Bretagne (- 10 000,- 5 000 av. notre ère).
ici Chapitre 3 : Le Néolithique en Bretagne (vers - 5 000, - 2 000 av. notre ère).
ici Chapitre 4 : L'âge du Bronze en Bretagne (vers - 2 000 , - 800 av. notre ère).
ici Chapitre 5 : Le premier âge du fer en Bretagne (vers - 800,  - 450 av. notre ère).
ici Chapitre 6 : Protohistoire des peuples celtiques (vers - 450, IIIème siècle av. notre ère).
ici Chapitre 7 : Civilisations et économies de l'Armorique celtique (Vème - Ier siècle av notre ère).

Pour aller plus loin :

COSME (P.), L'armée romaine, VIIIème av - Vème ap notre ère, Paris, 288 p, 2007. Très intéressant ainsi que facile à lire.
EVEILLARD (J.Y.), L'Armorique antique, Morlaix, 160 p, 2013. Recueil de 30 textes d'auteurs antiques commentés.
PAPE (L.), La Bretagne romaine, Rennes, 308 p, 1996.
ici, VISSET (L.), BERNARD (J.), Évolution du littoral et du paysages, de la presqu'île de Rhuys à la rivière d'Etel, du  Néolithique au Moyen Âge, in ArcheoSciences, n° 30, p 143-156, 2006.

H.M

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