La fressure

En rose, le pays nantais.
      Face aux géants de la restauration rapide, aux monstres de l'industrie agroalimentaire, il serait facile d'oublier les goûts et les odeurs que connaissaient nos parents et grands-parents, de perdre ce riche patrimoine gastronomique ainsi que de passer à côté de la qualité des produits frais locaux. "Trop long à préparer" "Pas simple de trouver la recette" "Où trouver les bons produits ?" "Des recettes locales ou anciennes coûteront forcément plus chères qu'un plat cuisiné", "recettes plus à la mode". Pourtant, tous ces arguments ne tiennent pas toujours. Certes, parfois, les goûts, les formes, l'aspect peuvent ne pas être "actuels". Mais à nous de les revisiter pour la forme du dressage, à nous d'étoffer notre palette de goûts, de privilégier les circuits courts pour réaliser des économies personnelles et le maintien de l'emploi (producteurs locaux), non ? Devenir acteur dans son assiette n'est-il pas valorisant ? Pourquoi aller chercher loin alors que nous avons sous nos pieds une richesse insoupçonnée ? A trop vouloir uniformiser nos habitudes alimentaires, n'y perdons-nous pas notre âme, nos emplois, nos richesses ? Une partie des touristes voyageant en Bretagne ne viennent-ils pas découvrir les kouign-amann, les crêpes, les produits bretons... plutôt qu'un classique hamburger (par exemple) qu'ils retrouveraient tout autant chez eux ? Comment faire vivre notre héritage, pour nous et les autres ? Sans prétendre tout connaître sur l'art de la gastronomie, j'entame donc une nouvelle série appétissante, d'abord en pays nantais (c'est celui que je connais le mieux), puis à travers d'autres contrées de la région.

      Le Pays nantais occupe une situation géographique exceptionnelle. En bordure de l'Atlantique, arrosée par la Loire, il bénéficie d'une profusion de ressources qui fonde l'originalité même de sa gastronomie. Terre de maraichage et d'élevage, à proximité des vignobles, le Pays nantais dispose de tous les ingrédients et de toutes les saveurs pour alimenter sa pratique d'un art culinaire ancestral. Influences exotiques et appartenance bretonne enrichissent sa culture du bien-manger quotidien ou festif. Les mets les plus modestes, tels que le lard nantais, la fressure y côtoient le raffinement d'un bon beurre blanc ou une recette d'écrevisses du lac de Grandlieu.

      




La Fressure ou l'art d’accommoder les restes

(Sud du pays nantais)



      Mixture associant les morceaux les moins nobles du cochon (couenne, abats...) avec du pain dur, des oignons et des épices, la fressure, de par ses ingrédients, était un plat consommé par les plus démunis. D'autant plus, qu'une fois la longue cuisson dans un bouillon de légumes réalisée, l'ensemble était finalement "lié" avec du sang du porc. Aujourd'hui, des boucheries la propose encore, à l'état solide sous forme rectangulaire dans une terrine. Réchauffée, elle se délite, prend l'apparence d'une épaisse soupe de couleur foncée, un peu à l'image d'un boudin écrasé dont on aurait ôté la peau.

      On peut déguster la fressure avec des mogettes (version vendéenne) ou, en Bretagne, avec des pommes de terre ! Outre le pays nantais et la Vendée, la fressure existe également en Anjou, mais le porc y est plutôt remplacé par du foie, du cœur, de la mou d'agneau préalablement rissolés au vin blanc bien sûr !

ici, la fressure en fin de cuisson.

      L'histoire de ce repas dit " de pauvres " est très ancienne puisque les premières traces datent tout de même du XIVème. Plat typique du milieu rural, il permettait d'utiliser le sang de porc, quand tout le reste de l'animal avait servi à la confection de pâtés, rillettes, et jambons... . Enfin, la préparation de la fressure participait à renforcer les liens familiaux ou de voisinages, car elle demandait à être remuée en permanence dans le chaudron pendant des heures. Petits et grands se succédaient donc à la tâche tout en discutant et en chantant des airs du pays...


Bon appétit

H.M

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