Les femmes et le commerce maritime à Nantes (1660-1740)

DUFOURNAUD (N.), MICHON (B.), Les femmes et le commerce maritime à Nantes (1660-1740) : un rôle largement méconnu, Clio. Histoire‚ femmes et sociétés [En ligne], 23 | 2006, consulté le 15 octobre 2014. URL : ici.



      Le rôle des femmes dans le commerce maritime reste largement méconnu à l'époque moderne à Nantes. Pourtant, différents documents, en particulier les archives notariales, permettent d'appréhender la diversité de la participation des femmes : elles peuvent être propriétaires de navires, marchandes de divers produits ou intervenir dans les aspects financiers liés au commerce maritime. Les sources révèlent la diversité des profils de ces femmes : elles ne sont pas toutes veuves, certaines femmes mariées commercent seules ou avec leur époux. En outre, des femmes que nous qualifions aujourd'hui de célibataires ont également été recensées.

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      The role of women in maritime trade in the Early Modern period in Nantes has been largely ignored. However, several documents, particularly the notary’s archives, provide clues about the diversity of women's participation: they could own ships, trade diverse goods or participate in financial aspects of maritime trade. Sources reveal diverse profiles for these women: not all were widowed and some married women traded by themselves as well as with their husbands. We even found cases of women that today we would consider "single".




Introduction

      La tradition de mise en dépendance des femmes et l’inusable argument de l’imbecillitas sexus font de la femme un être juridiquement incapable. Pourtant, comme le souligne Jean Portemer, « la société donne à la femme une place infiniment plus large que ne le laisserait prévoir l’application des règles juridiques ». La réalité sociale montre qu’il y a non pas un statut de la femme, mais une gamme impressionnante tenant compte des milieux sociaux. Les femmes participent couramment, de façon très active, à la vie économique, surtout dans les centres urbains où se concentre le commerce, comme la place de Nantes. La marchande publique a, du reste, une situation juridique privilégiée pour tout ce qui se rattache à l’exercice de son commerce. Ce système, dicté par des nécessités pratiques évidentes, est admis par nombre de coutumes médiévales et il fonctionne sans changement, ou presque, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.

      La période évoquée débute avec la Révolution sucrière des années 1660 qui « fait passer les Antilles du stade de démarrage à celui de décollage » ; dans le même temps, les Nantais orientent leurs armements au long cours dans cette direction. Le XVIIIème siècle marque l’apogée du port de Nantes en particulier par sa position de premier port négrier du royaume. Cette croissance économique repose en partie sur le dynamisme des marchands, bourgeois et négociants, intéressés à des degrés divers au « commerce de la mer ». Si les négociants ont fait l’objet de nombreux travaux, le rôle joué par les femmes dans le commerce maritime de Nantes reste largement méconnu. Pourtant, des listes de négociants, datés notamment de 1664 et de 1725, montrent la présence de femmes. D’autres exemples se trouvent dans les archives de l’Amirauté de Nantes, les papiers de familles et surtout les minutes notariales. Ces documents révèlent la diversité des participations des femmes au commerce maritime : elles peuvent être propriétaires de navires, marchandes de divers produits ou intervenir dans les aspects financiers liés au commerce maritime.


Plan  
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Partie 1        Les veuves : de la transmission à la préservation des biens



Navires de plus de 100 tonneaux armés dans quelques ports français.
Remarques :
D’après M. J. Delumeau, la Bretagne possède 18 % des navires de plus de 60 tonneaux et 34 % des embarcations de moins de 60 tx.
Si ces chiffres sont exacts, on assisterait donc à une très forte augmentation de la marine française entre 1664 et 1686, suivie d’un certain recul entre 1686 et 1704, les ports de la Manche déclinant nettement au profit de ceux de l’Atlantique.



A suivre ici le 26 février prochain : " Portraits de deux époux nantais ou les symboles de la réussite marchande au XVIIIème siècle ".


Si certaines approches de ce sujet vous intéresse :

CHAZE (S.), Les négociants irlandais à Nantes à la fin du règne de Louis XIV : 1685-1715, mémoire de maîtrise d’histoire sous la dir. de Guy Saupin, Nantes, 1999.
GODINEAU (D.), Les femmes dans la société française. xvie-xviiie siècle, Paris, 2003.
LESPAGNOL (A.), Femmes négociantes sous Louis XIV. Les conditions complexes d’une promotion provisoire, in CROIX (A.), LAGREE (M.), (dir.), Populations et cultures, Rennes, p. 463-470, 1989.
PELLEGRIN (N.), WINN (C.) (dir.), Veufs et veuves dans la France d’Ancien Régime, Paris, 2003.
PETRE-GRENOUILLEAU (O.), Les négoces maritimes français xviie-xxe siècles, Paris, 1997.
SAUPIN (G.), Nantes au xviie siècle, vie politique et société urbaine, 1598-1720, Rennes, 1996. Un classique, facile à lire.

H.M

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