Question ludique du mois : insurgent à Auray


Quel personnage incontournable de l'histoire des États-Unis débarque dans le port de Saint-Goustan le 4 décembre 1776 ?

In his fur cap, Nantes, 1776.

Indice 1 : l'illustration ci-contre.

Indice 2 : homme de sciences et de lettres, il démontre également de grandes compétences en commerce, en stratégie politique et diplomatique, au point de demeurer l'un des grands Pères fondateurs (au regard de Josiah Bartlett, Lyman Hall, Francis L. Lee, et George Wythe...).

Indice 3 : âgé de 70 ans en 1776, l'émissaire chargé de rencontrer le roi,  figure au recto des coupures de 100 $.

Indice 4 : physicien, il est l'auteur d'une théorie sur la nature électrique de la foudre.

Indice 5 : à sa mort le 17 avril 1790, l'Assemblée française (alors constituante), décrète 3 journées de deuil national.

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Réponse : Benjamin Franklin !

        Depuis la fin de la Guerre de Sept ans (1756-1763), le royaume de France accumule les revers importants : perte de la suprématie maritime face au royaume britannique, échec face au roi prussien Frédéric II le Grand, difficultés financières, réduction territoriale conséquente (perte des terres canadiennes, sénégalaises, perte des comptoirs aux Indes...). Or dans les colonies anglaises des Amériques, la colère monte, l'agitation se meut en conflit et les premiers affrontements se déroule durant l'année 1775. L'occasion est belle pour le roi de France, de viser la déstabilisation au sein de l'empire de son rival George III.

        Le 4 juillet 1776, les États-Unis d'Amérique se proclament indépendants, Benjamin Franklin figurant parmi les rédacteurs de cet acte. Ancien homme d'affaires ayant fait fortune, le bostonien acquis à la cause des " patriotes " part pour l'Europe en octobre 1776. Sa mission : plaider la cause américaine, ramener des armes, des fonds, des volontaires, des uniformes... Les ports bretons accueillent très favorablement ces demandes nuisant à l'ennemi anglais : tel Nantes qui se révèlera un carrefour important pour le trafic d'armes en faveur des insurgés (nombre de ports bretons seront le refuge des corsaires américains visant les navires de George III).

Quai Franklin à Auray, photos d'archives.

        Le 3 décembre, Benjamin Franklin accompagné de son ami diplomate Silas Deane, d'Arthur Lee, lui aussi diplomate et de ses deux petits-fils sont en vue des côtes bretonnes. Leur vaisseau, le Reprisal, accoste dans le petit port de Saint-Goustan d'Auray. « Franklin aperçoit un groupe de paysans et s’approche d’eux. Ils ont de longs cheveux, des chapeaux noirs à larges bordes, des vestes courtes, des culottes bouffantes, des guêtres serrées. Il leur adresse la parole. Ils ne comprennent ni son anglais, ni son français qui est à l’époque, très sommaire. Plus tard, Franklin dit qu’il avait reconnu en eux des Bretons, plus anciens que les Anglais. » P. Carrer. D'Auray, il passe par Vannes et parvient à Nantes le 7 décembre. Il y reçoit un accueil triomphal. Le symbole de la Révolution américaine est grandement sollicité, il est invité à des banquets, la foule se presse pour écouter ses discours pourtant exprimés dans un français lent et limité... Sans épée, sans perruque poudrée, gardant ses lunettes sur le nez et son fameux bonnet de fourrure, l'ambassadeur vêtu de manière simple fait sensation. Déjà, plusieurs familles bretonnes lui accordent des prêts conséquents.


        Le 21 décembre, le cortège arrive aux portes de Paris, nouveau triomphe par un peuple parisien prévenu par la presse. Benjamin Franklin n'est pas reçu immédiatement par un jeune Louis XVI frileux se s'engager aux côtés des insurgés. Cependant, nombre de Bretons et de Français se battent déjà Outre-Atlantique et participent à la victoire de Sarragota en octobre 1777. Le savant rencontre le roi à Versailles au début de l'année 1778 ! Ce dernier lui confirme son intention d'entrer en guerre contre l'Angleterre. " Dans cette guerre, nombre de Bretons s’illustreront, comme La Rouèrie ou l’amiral Emeriau, sans oublier les milliers d’anonymes tombés pour l’indépendance d’un pays appelé à l’avenir que l’on sait. Ainsi, rien qu’à Ouessant, près de 150 insulaires trouveront la mort dans cette guerre qui prend fin en 1783. Nombre de combattants reviendront en Europe, influencés par les idées de liberté et démocratie des leurs compagnons américains, des idées contagieuses qui ne tarderont pas à se répandre sur le Vieux continent. " Erwan Chartier-Le Floch

Le général de Rochambeau et le général Washington donnent les derniers ordres pendant le siège victorieux de Yorktown, 17 octobre 1781, A. Couder, conservé au château de Versailles.

Pour aller plus loin :

Carrer (P.), La Bretagne et la guerre d’indépendance américaine, Rennes, 2005.
Fournier (M.), Cinq siècles de présence bretonne dans l’Amérique française, Rennes, 2006.


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