Œuvre de Laurent Delphin (né en 1777), commandant de la garnison de la ville, le parc de la Schappe est aménagé, vers 1815, sur les rives de la Durance endiguée. Les travaux s'étalent sur 15 ans : un lac central avec de petites îles
est aménagé dans un style oriental, différents canaux sont creusés, des
arbres sont importés de toute l'Europe et des États-Unis. Sa volonté était non seulement de protéger la ville contre les inondations fréquentes et parfois violentes en rehaussant les rives et également d'offrir aux habitants un lieu de promenade en remplacement d'une ancienne mine désaffectée. Mais en 1850, les terrains sont acquis par les deux industriels qui possèdent l'usine voisine (voir ci-dessous). Le parc devient alors privé et réservé aux directeurs et à leurs familles. Racheté par la commune en 1954, le parc est réhabilité en 1998.
Pourquoi la Schappe ?
En 1843, après une année de travaux en marge du parc, la famille
Chancel inaugure une usine textile, spécialisée dans le traitement des
déchets de la soie. Handicapante, l'implantation industrielle dans la
ville est la volonté de la famille Chancel mais également celle de la
mairie favorable à la venue d'une activité autre qu'agricole et
pastorale. Pourtant la vallée de la Guisane demeure particulièrement
isolée - surtout l'hiver - puisque les voies de communications sont très
peu développées jusqu'à Grenoble, Lyon etc... et surtout pas encore
carrossables pour le passage des sommets comme celui du Lautaret ! Mais
le site dispose d'un atout : l'eau impétueuse de la Durance, source
d'énergie inépuisable. En outre, la soie provient principalement du
Piémont voisin (également des autres régions françaises, de Chine et du
Japon) et les paysannes devenues ouvrières sont peu revendicatives.
Ainsi, pendant 90 années, de 1843 à 1933, l’usine de la Schappe a dominé le paysage économique et social de Briançon.
Or comment se nomment les déchets de la soie ? La schappe ! Ces déchets,
des doupions, des cocons troués ou tachés etc... qui ne peuvent être
traités par les moyens habituels (bourre de soie peignée, non filée) suivent
un traitement spécifique que seul l'usine de Briançon maitrise. La
schappe est d'abord mise dans des cuves en bois remplie d'eau à 70 C° et d'acide
sulfurique pour y subir une macération la débarrassant des matières
grasses ou étrangères. Puis vient ensuite l'opération de dégommage,
c'est à dire une fermentation qui dure de 4 à 8 jours. L'odeur
nauséabonde de ce procédé signale l'usine à des kilomètres. Le
décreusage permet, au moyen d'un lessivage, d'éliminer la séricine et la
fibroïne (des protéines du ver à soie). Enfin, les déchets sont lavés,
essorés, battus pour rendre souple les cocons et les fils de soie sont
peignés. L'objectif est de produire à Briançon un ruban de fils de soie
qui sera par la suite tissé par les entreprises clientes, c'est donc un tissu industriel, de haute technologie pour l'époque, à
base de soie. Vers 1930, les pays qui fournissaient auparavant leur
schappe découvrent le processus employé à Briançon, la matière première
ne parvient plus dans la vallée de la Guisane et l'usine ferme
rapidement et définitivement ses portes en 1933.
Pour en savoir plus :
ici : Dellion (F.), Laissez-vous conter l'usine de la Schappe, prospectus touristique enrichissant car particulièrement bien conçu.
ici : Briançon : le bâtiment de la Schappe ravagé par les flammes, Le Dauphiné
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