1954, décès d'une artiste surréaliste nantaise : Claude Cahun

Autoportraits de Claude Cahun et Marcel Moore, 1928, Jersey Heritage Collections.


Collage Aveux non avenus, C. Cahun et M. Moore, 1929.
 
        Un petit jeu consisterait à questionner les Nantais sur les personnalités nantaises qu'ils connaissent ; il serait alors fort à parier que Claude Cahun ne sera que très peu voire jamais citée. Née en 1894, figure excentrique du monde de l’art, Lucy Schwob alias Claude Cahun est pourtant issue d'une famille de la grande bourgeoisie intellectuelle de Nantes (Cf. les érudits Marcel Schwob, Léon Cahun et puis son père et son grand-père, éditeurs et propriétaires du journal républicain : Le phare de la Loire). Mais malgré ces atouts financiers et intellectuels, elle connait une enfance malheureuse marquée par la démence de sa mère et les persécutions à l'école du fait de sa judéité (à 13 ans, de santé fragile, elle est attachée à un arbre et subit un début de lapidation !). En 1909, à 15 ans, elle tombe amoureuse de Suzanne Malherbe, la future artiste-peintre Marcel Moore. Devenues " sœurs par alliance " au mariage de Maurice Schwob avec la mère de Suzanne, les deux femmes vont travailler ensemble jusqu'au décès de Claude le 8 décembre 1954. La santé de cette dernière se dégrade en effet largement depuis leur arrestation en 1944 pour actes de résistance sur l'ile de Jersey où elles résident depuis 1937 (sans compter qu'elles sont juives et en couple !). Condamnées à mort, elles sont logiquement très affectées par les rudes mois d'emprisonnement et le pillage de leur ferme - bon nombre de ses clichés sont alors détruits par la Gestapo - qu'elles retrouvent finalement en mai 1945.

  
        Poète, essayiste, critique, traductrice, surréaliste " actrice un temps, styliste aussi, pratiquant la photographie sans se dire photographe, militante jamais engagée dans aucun parti, Claude Cahun ne peut être définie d’un seul trait, ni par une seule pratique. Obsédée par les thèmes de l’identité et de la représentation de soi, en lutte contre les représentations traditionnelles trop conservatrices de l'homme ou de la femme, elle utilise tous les moyens d’expression. "

        
        Ses photographies sont saisissantes, [...] elle coupe ses cheveux très courts et se photographie elle-même, sur fond neutre, en se travestissant, elle s’y montre sous tant d’aspects (en dandy, en orientale, en gymnaste, en Vierge, en monstre, en fée, en poupée ou en garçonne au regard dur...). On retrouve la valorisation de l’imaginaire et le vacillement du réel dans ses " tableaux " photographiques, véritables théâtres miniatures.
        
Autoportrait, 1914, Jersey Heritage Collections.

        Complètement oubliée après la Seconde Guerre mondiale, redécouverte et largement diffusée dans les années 1990, son œuvre littéraire trouve, depuis, un écho considérable qui dépasse l’histoire de la photographie, puisqu’elle suscite par exemple l’intérêt des Gender Studies (« études de genre ») et des théoriciens du postmodernisme, pour ses jeux de travestissement autour de l’autoportrait. Elle est aussi, avec Lee Miller et Dora Maar, l’une des grandes photographes surréalistes.

Lettre de Claude Cahun à André Breton à propos Les paris sont ouverts.

Une synthèse ci-dessous, par F. Leperlier, spécialiste ayant re-découvert Claude Cahun :



Pour aller plus loin :

ici : Vicente Aliaga (J.), Allain (P.), Leperlier (F.), Claude Cahun (pdf), Exposition au Jeu de paume, mai-septembre 2011.
ici : Goudinoux (V.), Claude Cahun. Écrits ; Laura Cottingham. Cherchez Claude Cahun, In Critique d’art, 20 | Automne 2002, mis en ligne le 29 février 2012.
ici : Azoury (P.), “Aveux non avenus”, l’écriture de Claude Cahun dans toutes ses dimensions, Les InRocKs, 12/08/2011.
Colvile (G.), Scandaleusement d'elles. Trente-quatre femmes surréalistes, Paris 1999.
Egger (A.), Claude Cahun, l'antimuse, Brest, 2015.
Leperlier (F.), Claude Cahun, l’écart et la métamorphose, Paris, 1992.
Leperlier (F.), Claude Cahun : l’exotisme intérieur, Fayard, Paris, 2006.

Cozic (J.C.), Garnier (D.), La Presse à Nantes de 1757 à nos jours, Tome 2 : Les années Schwob (1876-1928), Nantes, 2008.


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