1973 : une pointe dans le quai !


        En ce soir du 4 avril 1973, nombre de Nantais se sont rendus sur le quai Ernest Renaud. Pourquoi ?

       Plus tôt dans la journée, il était prévu le lancement du cargo le Pointe Madame, à partir des Chantiers navals Dubigeon-Normandie (nom depuis 1969). C'était une commande de la Compagnie Générale Transatlantique pour les liaisons avec les Antilles. Or, un léger " incident " se produit puisque le navire, une fois avoir quitté sa cale de lancement, glissa rapidement sur la Loire avant de s'encastrer violemment dans le quai d'en face, aux pieds de Sainte-Anne. 


        Un lancement est toujours une opération complexe. Il s’agit en effet de libérer plusieurs milliers de tonnes pour les laisser glisser vers l'eau, ni trop doucement avec le risque d’un arrêt à mi-pente, ni trop rapidement ce qui pourrait conduire à des dommages structurels, soit au contact de l'eau, soit avec un obstacle fixe ou flottant. La coque doit être équilibrée transversalement pour ne pas chavirer, et longitudinalement pour éviter les phénomènes de salut (lorsque l’avant est trop lourd), ou de cabanement, si c’est l’arrière qui est trop lourd. Sans compter les horaires de marée et donc le marnage.

        A partir des cales (qui existent toujours), le lancement des bateaux par l’arrière nécessitaient à Nantes des moyens de freinage importants, car la Loire à cet endroit a une largeur d’environ 200 mètres. Ainsi, en plus des chaînes latérales qui alourdissent leur course vers l’eau, les navires étaient équipés de " masque ", une large pièce métallique positionnée au niveau du safran, servant de frein une fois immergée. Or en 1973, c'est cette pièce qui est détruite sur les rampes lors du lancement, expliquant la course du cargo alors qu'il devait s’arrêter au milieu de la Loire, comme habituellement. Imaginez l'impression des spectateurs comprenant qu'un immeuble de 4-5 étages leur fonce dessus ! Aucun spectateur n'est blessé, les dégâts sur le quai Ernest Renaud sont importants (rails tordus, pavage détruit...) mais ils seront rapidement réparés comme ceux sur le Pointe Madame. Cette dernière effectue finalement sa première liaison à partir du Havre en octobre 1973. Mais les ennuies ne s’arrête pas là pour lui, en 1974, un fort vent provoque une déchirure dans la coque, un an plus tard, une grue de 30 tonnes s'écrase sur le pont (détruisant l'hiloire) et faisant un blessé grave, en 1977, le cargo change de propriétaire. En 1986, le Pointe Madame passe sous pavillon libérien, il termine sa carrière sous pavillon de Saint-Vincent dans un chantier de déconstruction indien (1992).


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